Shangri La est un mythe précieux. Il n’a aucune existence en dehors de l’esprit où résident les six royaumes. C’est la carotte qui se balance au bout du bâton qui sort de votre troisième oeil. C’est votre invention.
Shangri La apparaît différemment à chacun. Pour certains, c’est un monde sans déchets, tout de gratte-ciels, de rapidité, de richesses, de courant-jets, de satellites et de célébrité. Pour d’autres, c’est la beauté de la terre avec ses rochers, ses arbres, ses vallées, ses plantes, ses vallées et ses montagnes sur lesquelles on peut flâner. À certains, Shangri La apparaît comme le conjoint enfin trouvé qui aime leur corps et leur rêve de partager confiance et dépendance mutuelles, ainsi qu’une dévotion inébranlable à la vision de cette perfection nébuleuse. Shangri La pourrait être le groupe auquel on veut appartenir, dans lequel les gens prennent soin les uns des autres et où les disputes sont entendues et réglées par un conseil de gens choisis par tous, mais en dehors du groupe, pour garantir que rien ne vienne affamer ou affaiblir la manière de vivre. Shangri La pourrait être aussi un rêve de liberté totale où nourriture, abri, vêtements et sexe pendent aux arbres pour qu’on les cueille et qu’on en jouisse sans contrainte aucune.
La disparition de la carotte et du bâton planté dans le troisième oeil révélerait peut-être le vide du mythe et l’espace de sa supposée existence.
Dites adieu au Tibet, aux Himalayas, aux guerriers, aux sauveurs et à la vue parfaite du haut d’une montagne qui n’est plus là. Dites adieu aux Shangri Las, quand vous vous lancez dans le vide à partir de cette montagne qui n’a jamais existé.
N. B. Shangri La est un endroit fictif décrit dans le roman Lost Horizon de l’auteur britannique James Hilton. C’est une vallée mystique, paisible, dirigée avec douceur par des lamas, et située à l’ouest des montagnes Kunlun.
Monica Hathaway, M103
traduction de Maryse Pelletier