Petite matinée

Il faisait soleil. 

Suis sortie sur le balcon, ai commencé à manger mes céréales à la cuiller à soupe en descendant vers le terrain trempé où mes pas faisaient un bruit de succion, ai considéré arracher quelques pissenlits bien installés parmi les plants de rhubarbe, y ai renoncé à cause de l’état spongieux du terrain et du fait que j’avais les deux mains occupées par le bol de céréales et la cuiller, ai marché quelques pas vers les arbres qu’il va me falloir émonder, ai eu envie de couper les dernières jonquilles de mes bouquets pour les mettre dans un vase dans la maison, y ai renoncé – le chemin qui y menait était trop mouillé et je portais de jolis souliers -, ai regardé sans émotion les buttes de permaculture du potager, me demandant quand je pourrais les libérer de leurs herbes non désirables, et peut-être que je ne le ferai pas étant donné que c’est beaucoup de travail et que ce n’est peut-être pas nécessaire, je verrai, je verrai, ai écouté le voisin deviser avec quelqu’un, probablement son frère, derrière la haie qui borde le ruisseau, en travaillant sur je ne sais quoi tout près du ruisseau, ai eu envie de leur dire : ne parlez pas contre moi, je vous entends, y ai renoncé parce que je n’étais pas certaine que ma blague soit drôle ni que ma voix se rendrait jusqu’à eux et, parce que si ça engage une conversation, j’aurai les pieds dans l’eau plus longtemps et mes souliers pourraient devenir archi trempés, ai regardé mes souliers pour voir si la semelle était assez épaisse pour empêcher que l’eau se rendre jusqu’au cuir, je crois que oui mais vaudrait peut-être mieux ne pas insister sur le bain de pieds, suis retournée sur le balcon, j’avais fini de manger mon bol de céréales avec yogourt et morceaux de mangue, me suis retournée pour regarder à nouveau le terrain qui a beaucoup verdi ces jours derniers à cause de la pluie, ai apprécié à pleins poumons de voir ce vert, ce si joli vert frais du gazon qui pousse au sortir de sa dormance d’hiver, me suis dirigée vers la porte de la maison, ai éliminé quelques coccinelles prêtes à s’y engouffrer aussitôt que je l’ouvrirais, n’ai pas pu les renvoyer toutes – elles voletaient devant moi -, ai ouvert la porte quand même, il en est sûrement entré au moins une demi-douzaine, ai refermé la porte dans mon dos, me suis essuyé les pieds sur le tapis dans l’entrée, ai découvert les orchidées blanche et verte qui ouvrent aujourd’hui, splendides, et me suis sentie heureuse.

Puis, la pluie a recommencé.

 

 

One thought on “Petite matinée

  1. Rachel Laperrière dit :

    Printemps lent et soleil qui se fait espérer! À chaque année on aimerait que la beauté de l’éclosion arrive plus vite. Le plaisir de l’attente…

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