Frontières et photocopies

J’ai longtemps voulu croire que les frontières entre les pays étaient des barrières artificielles, la preuve en étant que les fourmis les franchissent sans même s’en rendre compte. La réalité est cependant un tantinet différente.

La semaine dernière, mon amoureux et moi décidons d’aller au Panama ; il faut sortir du Costa Rica au moins 3 jours pour avoir droit à un nouveau visa de 90 jours. Les années précédentes, nous sommes passés par le poste frontière de Paso Canoa, le plus important à l’ouest du pays, où s’arrêtent camions, voitures, autobus, et où campent en permanence des marchands de tout, depuis les fausses montres suisses jusqu’à des copies de sandales brésiliennes. Une frontière-bazar, en fait. Cette fois-ci, pour éviter cette cohue, son CO2 et les enfants autochtones qui quêtent, nous voguons vers le petit poste de San Sereno, près de San Vito, dans les montagnes, faisant confiance à ceux qui nous ont assuré que le passage vers le Panama y est simple et rapide.

Commençons par noter que, de San Vito aussi bien que de Sabalito (la ville voisine) il n’y a aucune indication routière pour San Sereno. Il a fallu aller trop loin, revenir, demander une fois, deux fois, pour finir par se retrouver sur une route de terre à peine carrossable, puisqu’elle est en réfection.

Voici San Sereno, finalement. On respire mais juste un peu, à cause de la poussière.

La route étant dans l’état que vous savez, on ne distigue d’abord pas le poste costaricien ; on s’en éloigne donc, on y revient, on y entre finalement pour se faire dire qu’il faut aller à la machine, insérer son passeport, payer 5$ au moyen d’une carte de crédit, prendre le reçu et revenir.

Tout ne va pas sur des roulettes. La machine, accessible seulement d’une petite fenêtre mal placée, est difficile à faire fonctionner ; de toutes nos cartes de crédit, il n’y en a qu’une qui passe et, de nos passeports, le mien refuse d’être lu parce qu’il n’est pas suffisamment épais. Mon amoureux trouve tout de même le moyen de m’émettre un reçu et le douanier estampille nos papiers. Adieu Costa Rica! Il est 12H30.

Bienvenue au Panama! C’est le bâtiment qui arbore un drapeau, et à l’intérieur duquel un autre douanier nous accueille avec un sourire ; nous sommes les seuls voyageurs à vouloir entrer dans son pays.

Après quelques minutes de palabres, nous comprenons que nous devons acheter des assurances pour la voiture –après l’heure du dîner – et lui donner une preuve de solvabilité d’au moins 500$US – c’est nouveau : à Paso Canoa, il suffisait de montrer sa carte de crédit. Nous nous rendons donc au centre-ville, à quelques centaines de mètres, à un guichet automatique, histoire de produire un relevé de compte.

Vous vous en doutez – vous êtes perspicaces – le guichet en question refuse de lire nos cartes de débit, sans doute à cause de la technologie de la puce qui… Mais ne nous lançons pas dans les explications et trouvons un autre moyen de nous procurer la preuve qu’on est solvables. Je vais à l’intérieur de la Banco National de Panama demander à une préposée si elle ne pourrait pas nous donner pas accès à nos comptes. Souriante, elle m’explique que c’est impossible parce que je n’ai pas de compte à sa banque. Je lui demande comment régler notre problème, elle me suggère de louer un ordinateur et de récupérer un état de compte par internet. Ouais! Encore faut-il que cet ordi soit connecté à une imprimante.

Miracle, près de l’école, il y a un magasin qui offre tous ces services! Nous nous y rendons et ça marche. Un autre obstacle de franchi. Il est 13h30 et je commence à avoir faim.

Les assurances, maintenant. Il faut trouver le bureau où on les vend, perdu milieu des friperies qui s’étalent sur la route en contrebas du bâtiment des douanes. Fermé! On lorgne aux alentours, quelqu’un pourrait nous dire, s’il-vous-plaît, si c’est bien le bon bureau et si l’employé(e)… Un garçon de 10 ans descend en courant jusqu’au bas de la rue, vers un restaurant, et hurle quelque chose. On comprend qu’il est allé prévenir l’employé. Bien! On attend. Et on attend encore.

Une femme rondelette monte le chemin, le nez sur son cellulaire. Est-ce notre vendeuse d’assurances ; son allure, pas pressée, nous indique que non. Elle nous dépasse, toujours absorbée par son mini-écran et va jaser avec la vendeuse au magasin juste à côté. Non, décidément, ce n’est pas notre…

Eh bien, oui, c’est elle! Elle revient vers nous, ouvre son bureau qui fait un peu plus qu’un mètre carré et dans lequel règne une chaleur insupportable et nous demande 3 copies de chacun des documents dont elle a besoin. Nous n’avons pas, en doutiez-vous, les copies en question et, bien sûr, sa photocopieuse est en panne.

Mon amoureux prend les papiers, traverse la rue pour se rendre au supermarché en contrebas, sous un soleil de plomb, faire des photocopies. Prudent, il en fait au moins 4. On ne sait jamais.

Il revient, présente les feuilles, la femme écrit des choses, travaille à son ordi en se référant à son téléphone, prend les copies, demande 4 signatures, nous produit un autre papier qu’elle met dans une enveloppe, nous donne une copie de ce papier et nous signale que c’est tout. Nous sortons. Soudain, j’ai un doute… « C’est gratuit, l’assurance? » Mon amoureux retourne vers la vendeuse, qui, même pas confuse, lui charge 25$. Il est plus de 14h et j’ai de plus en plus faim.

Nos papiers en main, nous nous rendons au bureau du Panama, rencontrer le gentil douanier avec qui nous avons fait connaissance il y a maintenant presque 2 heures. Il prend nos passeports, examine nos relevés de compte, s’assoit, prend des notes (ah oui, il veut aussi une photocopie de nos passeports) tout cela en jetant régulièrement l’œil sur le téléviseur devant lui, qui diffuse un programme qu’il trouve drôle. C’est donc hilare, (mais pas à cause de nous) qu’il nous rend nos papiers estampillés et nous indique le chemin vers la douane.

J’essaie de me persuader, avec toute la conviction dont je suis capable, que je n’ai pas si faim que ça.

À la douane, il faut aussi des photocopies. Quoi d’autre! Mon amoureux s’éloigne pendant que je réponds aux questions de la préposée. Elle essaie de remplir son formulaire par internet, qui ne fonctionne pas; elle essaie d’imprimer son formulaire pour le remplir à la main, l’imprimante est en panne (il y a des problèmes d’entretien d’imprimantes dans le secteur, vous avez remarqué!). Elle prend finalement un formulaire déjà imprimé et le remplit, pendant que mon amoureux revient avec ses nouvelles photocopies.

On sort de ce bureau et on se demande quelle est la prochaine étape. Ah, c’est la fumigation. Mais où donc? Ah, il faut faire passer la voiture sur cette petite grille… et la fumée en sort. Bien! Dans le bureau adjacent, on paie 1$ pour cette opération, qui permet de démontrer que le Panama met un soin particulier à tuer les germes qui entrent du Costa Rica et qui pourraient attaquer quoi, au juste? Je ne me le demande pas, il est désormais 14h15 et je ne me crois plus quand je me dis que je n’ai pas faim, et je sens que… Ca y est, on peut partir avant que je me sente mal ?

Oups, pas encore : il nous faut passer par la Garde Nationale. Le jeune Gardien – il a des broches sur sa dentition toute blanche – nous demande, devinez quoi, une photocopie de nos passeports, bien sûr!

Pour la 3e fois, mon chum me quitte pour aller au magasin général où il réussit encore une fois l’exploit de faire fonctionner une machine poussive dont l’encre se raréfie. Je reste à jaser avec le jeune homme. J’apprends qu’on ne peut pas installer une photocopieuse dans les bureaux de gouvernement, que, à cause du décalage d’une heure entre les 2 pays, il faut bien choisir le moment de notre retour si on veut éviter de se buter le nez contre des portes de bureaux fermées etc.

Les photocopies reviennent, le Gardien les compare avec nos photos, qu’il compare avec nos visages, et, tout content, nous donne sa permission de partir. Il est 14H30.

Il aura fallu plus que deux heures pour passer un petit poste frontière où trois quidams se présentent à l’heure. Cette rareté est peut-être, finalement, au-delà de l’absence d’organisation et de communication, la vraie raison pour laquelle tout a été si long : les gardes frontières voulaient se désennuyer. Vous voilà prévenus. Quand vous voudrez gagner du temps, il vaut mieux accepter d’en perdre d’abord. Ainsi, vous ne serez pas déçus.

De toit, de pluie et de démocratie

La semaine dernière, nous sommes allés, mon amoureux et moi, à une réunion à San Cristobal, le village voisin du nôtre. La réunion était convoquée par le comité de la route d’Alfombra (notre village) qui, pour l’occasion, avait joint ses forces à celui de San Cristobal. – Il est intéressant de savoir qu’ici, au Costa Rica, les gens fonctionnent beaucoup par comités et coopératives. Par exemple, à Alfombra, à part le comité de la route (qui se charge de réparer la route après la saison des pluies), il y a, entre autres, le comité des femmes (qui procure toutes sortes de cours aux femmes du coin) et à San isidro, la ville voisine, il y a une coopérative de producteurs de café. Donc, San Cristobal, réunion de citoyens provenant de 2 villages, pour une discussion au sujet des routes d’Alfombra et de San Cristobal… Je ne vous ai pas perdus?

C’est la saison sèche actuellement, laquelle est normalement très sèche, c-à-d. sans pluie durant trois mois ou plus, mais, depuis quelques jours, nous avons des orages. La météo prévoit même toute une semaine de pluie – et après ça on dira qu’il n’y a pas de changements climatiques! La réunion se passe dans le salon communal, une sorte de grand aréna au plancher de tuiles délimité par un mur de béton qui s’élève presque jusqu’au toit, à quelque 15 mètres. Entre le mur et le toit, il y a un espace fermé par un grillage pour ne pas, sans doute, que trop d’oiseaux ou de lézards participent aux réunions.

La convocation est à 15h00 ; nous arrivons presque les premiers, un peu après l’heure – les costariciens ont une certaine souplesse (hum!) quand il s’agit de la ponctualité. Et nous jasons avec tout le monde que nous connaissons. Finalement, à 15h30, il y une centaines d’adultes et presque autant d’enfants, incluant des nourrissons que leur mère allaite au besoin.

Quand vient le moment où on sent que, tranquillement, les choses s’organisent pour que la réunion commence, la pluie se met à tomber. Un petit orage. On s’assoit en rangs, bien sages, se disant que ça va cesser dans dix minutes. Idem pour les gens qui nous ont réunis et qui, eux, sont déjà à la table devant nous, avec leurs documents. Et on attend. Et on attend. Dix minutes, quinze, vingt…

Soudain, quelqu’un a la bonne idée de brancher un haut-parleur avec un micro et de le tester. Bravo, ça marche! Mais la pluie augmente en intensité. Le petit orage est devenu gros. On l’entend très bien, sur le toit de tôle. On se dit : Ça fait exprès, et on attend. Dix minutes encore, quinze. La pluie ne diminue pas, au contraire. Le président du comité se lève tout de même et se décide nous souhaiter la bienvenue en parlant dans le micro.

La pluie augmente encore. Le gros orage s’est transformé en trombe d’eau. Une vraie rigolade. L’orateur se tait, vaincu. On ne s’entend pas à trois pas, à trois pouces. En plus, il y a de l’eau qui tombe par les fentes du toit, de sorte que, ici et là à l’intérieur de la salle, des gens déplacent leur chaise et les remplacent par des chaudières, dans l’idée que la pluie tombe dans les seaux plutôt que sur leur tête.

Finalement, de guerre lasse, le président du comité commence la réunion malgré le tonnerre ambiant. Il y a des limites à attendre. L’apprenti technicien monte au maximum le volume de l’ampli et le président parle, parle, parle. Ce qui nous arrive comme son est distortionné, étouffé, inaudible et franchement incompréhensible pour nous, les étrangers qui parlons espagnol… mais pas tant que ça.

De temps à autre les gens, nous y compris, se regardent et éclatent de rire, tellement la situation est loufoque. Malgré tout, la majorité des Costariciens a l’air de comprendre ce que l’orateur dit. Ou peut-être le savaient-ils à l’avance ; on se parle, dans les villages.

Au bout d’un moment, les gens autour de nous lèvent la main : ils votent. Vite, pas fous, on lève la main nous aussi ! Ils relèvent la main, nous aussi! Trois fois, on fait comme si on comprenait et on lève la main de concert avec les Costariciens. On se serait cru au parlement fédéral où les députés conservateurs votent les lois sans les avoir lues et sans savoir ce qu’elles impliquent, faisant confiance aveuglément, les ignorants, à Stephen Harper.

Ici, cependant, c’est moins dangereux. D’autant plus que Rigo, le président du comité de la route d’Alfombra, nous explique bien, pendant qu’on boit le café offert à la fin de la réunion, en quoi consistent les 3 projets : il s’agit d’asphalter une partie de la route d’Alfombra (yé!), une partie de celle de San Cristobal (re-yé!), et de construire une petite cuisine en béton sur le terrain de football. Rien pour mettre en danger 80% des cours d’eau ou pour priver de revenus 60% des chômeurs du pays.

Il pleuvait encore à boire debout quand nous sommes sortis du salon communal. Il a fallu sauter pour éviter les flaques, courir jusqu’à la voiture, se faire mouiller en ouvrant la porte, mouiller les sièges, etc. Tout s’était calmé, cependant, quand nous sommes arrivés à la maison. Curieux pays où il pleut quand il faut voter et où il fait soleil après les réunions. On dirait un complot contre la démocratie directe. Mais celui-là n’est rien comparativement à celui de Harper! Il vient des nuages et non pas de l’esprit tordu de politiciens qui gouvernent en niant le temps qu’il fait sur la planète.

Lettre ouverte à Gérard Deltell

Monsieur Deltell,
Vous m’apparaissez être un honnête homme. Votre parcours un peu sinueux est celui d’un homme de conviction, courageux et engagé. C’est pourquoi je m’étonne que vous ayez envie, du moins on le lit, de vous présenter candidat pour le parti conservateur fédéral.

Le gouvernement de ce parti est le pire qu’on ait vu depuis John A. Macdonald.
Sans l’assentiment du Parlement, sans discussion publique et au mépris de la volonté de la majorité des Canadiens, il a
– réduit la taille de l’État
– changé la politique extérieure du pays et affaibli son influence à l’ONU
– affaibli ses lois protectrices de l’environnement pour ouvrir la voie aux pétrolières
– réduit notre diffuseur public au point de l’étouffer
– lié l’aide internationale à l’enseignement et la diffusion de la religion (ce n’est plus de la redistribution de la richesse, mais la charité que la Canada pratique désormais)
– affaibli la recherche fondamentale, entre autres.
Il a aussi
– muselé les scientifiques (c’est un CRÉATIONISTE que Harper a nommé comme son premier ministre de la science : peut-on mépriser la modernité, le siècle des lumières, sa propre histoire?)
– affaibli Élections Canada
– émasculé la loi qui mettait un peu d’ordre dans les pratiques de financement politique
– étouffé les bureaux d’accès à l’information
– en matière de droit criminel, privilégié la punition à la réhabilitation (c’est moyenâgeux comme comportement)
– rempli les prisons à ras bord et fait payer les gouvernements provinciaux
– réduit considérablement l’accès à l’assurance emploi (un scandale, les travailleurs paient pour, tout de même)
– étouffé les organisations citoyennes qui s’expriment contre ses politiques, notamment environnementales… et ainsi de suite.
Et je n’énumère ici que ce qui est le plus susceptible d’être su par quiconque lit les journaux. Allez savoir le reste!

Ce gouvernement est cachottier et paranoïaque, il profère des mensonges,  additionne les promesses fallacieuses (la réduction des subventions aux pétrolières, par exemple) et adopte des lois mammouths au mépris de la démocratie et du parlement. Et rien n’indique qu’il changera de comportement s’il est réélu. Il continuera son travail de sape de nos institutions, il continuera à faire le contraire de ce qu’il a promis et cela, je le répète, contre la volonté de la majorité des canadiens.

M. Deltell, vous méritez votre crédibilité, vous l’avez acquise au cours de vos années comme politicien québécois, n’allez pas dilapider ce précieux capital aux mains de M. Harper, qui s’en servira et vous écrasera au passage. Vous finirez par être obligé, comme la majorité de ses autres députés, de répéter ad nauseam des inepties dictées par les stratèges de son bureau. (rappelez-vous Christian Paradis durant la campagne électorale). Et s’il vous nomme ministre, votre situation risque d’être pire; vous sentirez encore plus que ce n’est pas vous qui décidez, mais lui et sa garde rapprochée, et cela sous votre nez, sans votre accord.

M. Deltell, vous êtes un honnête homme, n’allez pas vous lancer dans cette aventure. Il y a pouvoir et pouvoir, et celui qu’on vous offre chez les conservateurs est celui de démolir ce qui vous a tenu à cœur jusqu’ici, de détruire ce qu’il nous reste de démocratie et de recours citoyen. L’équilibre budgétaire n’est pas tout; il y a aussi la droiture et l’honnêteté, dont vous personnellement êtes capable. Mais ces qualités-là, on les a fourrées depuis longtemps sous le tapis, à Ottawa.

Bien à vous

Maryse Pelletier, citoyenne.

 

Croyances – doutes

Croyances, doutes
Espoirs et peurs
Naissances et morts
Hier et demain
Alors et maintenant

Les mots (les concepts) sont puissants quand l’égo les utilise comme des slogans – c’est arrivé à de multiples reprises dans l’histoire de la race humaine. Ils deviennent des chants hypnotiques et peuvent mener certaines personnes à exercer des violences contre elles-mêmes et les autres alors qu’elles proclament agir au mieux pour la majorité.

Créer un Dieu dans l’espace à partir de données fumeuses dont la mémoire s’est emparé et Le projeter dans l’espace sensitif du moment présent est un geste de promotion de l’ignorance, et probablement l’ignorance elle-même. Désir, haine et illusion, colère, concupiscence… empiler des revendications, des mérites et des démérites pour amadouer un côté ou l’autre est confondre l’or des fous et l’or véritable.

Le moment vient où on peut se rendre compte de la lourdeur du bagage qu’on traîne, et le désir monte en nous de laisser tomber, de s’alléger. On est fatigué de se battre. Croire ou ne pas croire perd son importance et les armes de la bataille ainsi que ses uniformes deviennent vides d’égo. En laissant tomber, on s’occupe de ce que contient le moment présent et on cesse de faire confiance aux rêves passés ou futurs. Qu’il s’agisse de soi ou de n’importe qui, porter attention au moment présent est faire ce ce qu’il y a de mieux.

Le commencement et la fin existent dans le moment présent. Il n’y a pas d’autre lieu pour connaître son propre esprit.

Monica Hathaway, 12/12/07

Note: On peut avoir des informations au sujet de Monica Hathaway à l’adresse suivante :
http://www.americanyogafoundation.org/index.htm

Laisser aller

Laisser aller
Des cendres du moment, un nouveau moment est né.

Monica Hathaway, 12/12/07

Dialogue pour sourde

C’est pas vraiment que je suis sourde mais que, des fois, je pourrais l’être et que ça donnerait le même résultat! La semaine dernière, par exemple.

Mon amoureux est à table, il jase avec notre voisin, montréalais lui aussi. Les petits oiseaux chantent, les cigales stridulent, le vent pousse un peu les branches vers la maison… Vous avez compris qu’on est au Costa Rica, je vous fais le dessin pour que vous puissiez apprécier la situation vous aussi.

Amoureux : Ouais, mais le “cat five”, il se connecte différemment du “cat six”.
Voisin : Le « cat six », j’ai essayé de l’utiliser mais, faudrait que je passe par mon router avec un splitter RJ45 , et que je reconnecte mon… Je comprends pas que…
– Moi non plus, soit dit en passant!
Amoureux : C’est parce que le « cat five » se connecte comme ça.
– Et là il crochit les doigts d’une manière que j’ai jamais vue.
Voisin : Ah?
Amoureux : … Et le cat six, comme ça.
– Il crochit les doigts d’une manière encore plus compliquée, il n’a pas suffisamment de doigts d’une main et il en ajoute de l’autre.
Voisin : Ouais, mais y en a pas ici, alors qu’est-ce que je fais pour mon tuyau souterrain?

Là-dessus, mon amoureux se lève et va chercher un petit sac marqué Addison – vous voyez, je vous dit tout! – plein, mais archiplein de guidis, duquel il sort, tout fier, un truc qui ressemble à une bibitte verte à grosse tête transparents et à patte unique et tout aussi grosse et transparente. Le voisin ne se peut plus de contentement :
– Wow! T’as trouvé ça ici?
– Ben non!

Vous avez suivi? Vous êtes chanceux. Ou initié.
J’ai pensé écrire une pièce (brève, rassurez-vous) avec un dialogue de ce genre pour parler d’incommunicabilité, mais ça s’avère compliqué vu que je ne possède pas le premier mot du lexique de ce nouveau dialecte.

Je me suis levée et suis allée arroser mes tomates.
 Je veux bien apprendre tout ce qu’il faut pour me débrouiller dans la vie, même un peu plus, mais y a des fois ou ça m’intéresse moins que d’autres. Quand j’aurai la traduction de ce dialogue, je vous en ferai part, promis. Mais ne l’attendez pas avant la saison des pluies, celle pendant laquelle personne n’a besoin d’arroser quoi que ce soit dans son jardin.

Les crampes

Il y a deux nuits, j’ai eu une crampe au pied gauche. La nuit dernière, une au pied droit.

Aujourd’hui, ça a été le tour de la main gauche et, de la façon dont vont les choses, ce sera probablement celui de la droite demain. Suivront les crampes aux mollets, aux cuisses, aux oreilles (!), aux avant-bras, à tout ce qui peut cramper, dans l’ordre ou le désordre.

Il semble donc que le changement, à l’âge que j’ai, ne soit pas que les crampes disparaissent, mais qu’elles choisissent continuellement des membres différents pour se manifester.

Toute une fantaisie!

Bien, mal

Quand je mêle mes jambes à celles de mon amoureux, la nuit, et qu’il se réveille à peine, et que, si je les reprends, mes jambes, il vient les re-chercher sans même s’en rendre compte, j’ai envie de rigoler.

Quand Samanta, 6 ans, vient ici les mardi et les vendredi et qu’elle me saute dans les bras et qu’on se colle, se colle jusqu’à ce que l’envie de s’embrasser et de se dire qu’on s’aime a bien été satisfaite pour un temps, j’ai envie de rigoler tellement je me sens bien.

Mais quand je vois Philippe Couillard déployer son « internationalisme » en anglais à l’étranger, et ici, sa « reconnaissance » envers Ottawa, laquelle va leur permettre à lui et à Ottawa, entre autres infamies, de nous enfoncer des oléoducs dans la gorge, au mépris de la vie, de l’eau, de notre écosystème fragile, du Saint-Laurent qui est notre poumon, notre réservoir, notre corne d’abondance, notre artère principale, notre beauté entre toutes, je rigole moins.

Et quand je vois Harper mener un gouvernement de sape délibérée de nos institutions démocratiques et de notre environnement à coups de fausses promesses, de mensonges, de non-dit, de non-discuté, de non-présenté, de non-débattu, et cela dans le secret, l’arrogance, et, au bout du compte, dans le mépris profond, indécrottable, incommensurable, de la grande majorité des Canadiens qui ne voteraient pas pour lui s’ils savaient tout ce qu’il leur cache, j’ai beaucoup moins envie de rigoler.

Et quand j’entends parler de Boko Haram, vraiment, je n’ai plus envie de rigoler du tout.

Contre Couillard, contre Harper, je n’ai qu’un vote, et ce blogue.

Contre Boko Haram, je n’ai qu’une signature, et ce blogue.

Je suis contente, au fond, de me sentir bien, ça me rend capable de me sentir très mal pour tout ce qui se passe de mensonges, d’abus et de mépris et de violence autour de moi. À cause de tous ces élus qui, finalement, ne servent qu’eux-mêmes et pas nous, servent leur propre futur et pas le nôtre. À cause de tous ceux qui, en définitive, pensent qu’ils savent mieux que moi ce qui est bon pour moi. Et me l’imposent.

 

Quoi d’autre

Filtrer l’huile
laver la casserole
nettoyer le comptoir
sentir ses pieds au chaud
oui
mais la vie, la vie

Changer les draps
ouvrir la porte
balayer l’entrée
soulever la poussière
dans la lumière
oui
mais la vie, la vie

Descendre l’escalier
marcher au coin de la rue
sortir sa monnaie
acheter du fromage
un journal trois bières
revenir tête baissée
en pensant à autre chose
oui
mais la vie, la vie

Regarder ses doigts
penser aux gens qui rient
se douchent
s’embrassent
se querellent
ou courent à perdre haleine
regarder ses doigts encore
essayer de toucher
l’indicible l’invisible
le discret le serein
l’énergie pleine et vide
oui
et la vie la vie.

 

Le scorpion

Hier, mon amoureux et et moi avons travaillé à notre potager. Ici, au Costa Rica, il est constitué de 4 carrés de blocs de béton disposés autour d’une table ronde également en béton. Les bacs ont une hauteur variable, à cause de la pente du terrain, mais ils nous vont généralement à la taille, et on peut y travailler debout sans se défaire le dos.

Il fallait casser littéralement la terre glaiseuse, l’alléger et l’enrichir, pour pouvoir ensuite semer, entretenir – et déguster éventuellement, c’est ça l’idée.

C’est D. qui fait le travail d’homme, et moi je réponds à ses questions ( “Ça va comme ça? – Non, un peu plus de caca de vaca, s’il-te-plaît”) en raffinant les mottes de mes mains gantées.

Soudain, sous sa binette, a surgi, affolé, un scorpion noir, vraiment gros, vraiment grand, au moins grand comme ma main, et j’ai de grandes mains. – Vous saisissez qu’il était impressionnant, non?

D., sans hésiter, l’a coupé en morceaux avec la binette, puis l’a écrapouti sous ses pieds.

On a respiré un bon coup.

C’est le deuxième qu’on voit. Le premier, il y a quelques années, beaucoup plus petit, s’était caché dans une chemise laissée trop longtemps suspendue au bas de l’escalier.

Conversation, plus tard, à table :
Moi, analysant : Je savais pas que les scorpions vivent dans la terre…
Lui, renchérissant : Moi non plus, jusqu’à présent, je pensais qu’ils vivaient dans les vêtements!

Ah, la joie d’apprendre, toujours renouvelée!