Mon frère est mort.
Mon pied au sol. Presser. Sentir que la chair de mon pied s’écrase contre le sol sous mon poids.
Mon frère est mort.
L’autre pied. Avance. Se pose. Les feuilles mortes bruissent à peine. Elles sont déjà écrasées par d’autres pieds, d’autres poids. Il vente un peu. La peau de mon visage frémit. Le froid.
Mon frère est mort.
J’arrête. Je respire. Les deux pieds au sol. Tranquille.
Mon frère est mort, je suis vivante.
Cela ne veut presque rien dire. Je ne sais plus ce qui nous sépare l’un de l’autre, tellement son image, sa présence, sa belle gueule sont vives en moi.
Je suis vivante, puisque j’ai froid, puisque je pleure. Mon frère mort.
Qui pourrait dire la profondeur des liens qui nous unissent, nous unissaient, nous qui sommes nés des deux mêmes chairs, avons partagé la maison, les années, les conflits, les apprentissages. Nous qui avons développé puis raffermi la connaissance l’un de l’autre, la confiance l’un en l’autre. La familiarité. Le mot vient de famille. La vie. Près l’un de l’autre. Puis loin, puis près.
Mon frère est mort. Son corps, démoli. Son visage, blanc.
Mon pied devant moi. J’avance. Je sens le sol, ses feuilles qui bruissent, mouillées, le froid sur mon visage, mouillé.
Mon frère est mort et j’avance. J’avance.