On investit tellement dans la matière, l’énergie et le temps – tant de souvenirs, de rêves brisés; tant de mélancolie et de choléra, de champs ensanglantés et de sources bloquées par le glaire; tant de définitions, de croyances, de choix; tant d’intelligence structurée dans les langues, les sciences, les arts, les lois des différentes origines sociales et religieuses, les philosophies, la littérature, les légendes; les cérémonies de délégation de pouvoir conféré par le dieu de notre choix, les initiations aux cultes, aux clans, aux sectes et aux sociétés secrètes d’origine familiale qui disséminent sur l’univers des remèdes instables nés de la bascule sauvage entre peurs et espoirs. Rêvant du lendemain, nous vivons notre jour d’hui dans une folie d’orgueil et de panique, sautillant comme une marionnette sur un fil.
Nous sommes attachés aux points extrêmes de l’oscillation entre peur et espoir, et passons sans arrêt à côté des délices du moment avec un haussement d’épaules méprisant qui bloque la lumière, la qualifiant de trop ordinaire, trop mondaine. Alors, en soldats de fortune, nous nous traînons, épuisés par notre armure de rêves, notre vision amoindrie par les nuages d’une vie planifiée.
Que laisser tomber? On se pratique seulement à courir. On n’a pas commencé à vivre. On est trop mal préparés pour l’envol.
Monica Hathaway, 12/12/07