Il nous arrive d’être prisonniers de tendances moralisantes qui demandent la vengeance, la récompense ou la réparation ; ce sont de vieilles histoires, en fait, dont la création se répète de façon mécanique. On regarde les autres et on se dit : « La dernière fois, tu m’as devancé, cette fois-ci, j’arriverai avant toi ; hier, c’est toi qui avais le pouvoir, aujourd’hui ce sera moi. » Plutôt que de rechercher la récompense, la vengeance ou la réparation, ne pourrait-on pas simplement les considérer comme des histoires révolues et les laisser aller, et, tant qu’à y être, laisser aller aussi le moi qui les réclame?
Il semble que la récompense, la réparation et la vengeance sont les indipides nourritures qui nous attachent à la roue karmique (psychologique ou morale) de l’existence. Mécaniquement, on veut goûter ce qui est fade et on se demande pourquoi on n’en éprouve aucune satisfaction. On imagine à l’avance que le goût en sera bon ou mauvais. On a entendu dire « la vengeance est douce », ou « la récompense est la nourriture des saints », mais rien de cela n’a de goût ; ce sont des formes mentales qui apparaissent et disparaissent dans les esprits agités. Chercher ou éviter la réparation ou la vengeance ne fait qu’ajouter du carburant au réservoir qui alimente le mécanisme de la roue. L’esprit agité se manifeste par l’apparition et la disparition des formes mentales. On est souvent envahis par la question : « Est-ce que je devrais agir selon cette pensée ou pas ? » En fait, quand on laisse tomber la question de savoir si on doit agir ou pas, rester ou partir, être ou ne pas être, etc. le problème se résout de lui-même.
La méditation est l’outil nécessaire pour laisser tomber le combat contre l’agitation et permettre le ralentissement du rythme de la roue. En méditant, on expérimente des espaces durant desquels on peut se reposer dans l’espace ; ce sont ces espaces qui offrent la possibilité des laisser-aller.
La poussée et la retombée, l’apparition et la disparition sont les formes mentales des esprits structurés et conditionnés. Elles ne se manifestent que dans ces apparitions et disparitions. On peut voir les montées comme la naissance, et les descentes comme la mort. Ces types d’énergies mentales sont érigées sur des constructions atomiques ou, plus précisément, ce sont des histoires génétiques, des vérités relatives qui naissent de nos différentes identifications à « cette vie » (couleur, désir, tribu, nation, langue et planète) et à toutes les soi-disant vérités que le conditionnement créé par ces identifications engendre. Si on voyait que ces constructions relatives nous présentent les désirs passés, présents et futurs des personnalités étroites de « cette vie » (étroite dans le sens que nous nous identifions comme être humain dans un sens relatif), peut-être pourrait-on cesser de combattre l’émergence et la disparition des formes mentales et de nos plans ambitieux, et porter attention aux interstices (les espaces ouverts de l’énergie pure de la pensée, sans construction atomique).
En portant attention aux interstices, au « bardo », on touche à la conscience humaine totale, non altérée par le combat des énergies raciales, religieuses et politiques de la vie humaine. Alors, les liens avec nos souffrances se brisent, la libération est instantanée, et la vue panoramique de l’espace immense permet à notre conscience d’embrasser la vérité universelle de tous les êtres vivants. La pratique de la méditation en action est l’outil de tous ceux qui désirent la libération de tous les êtres.
Monica Hathaway, M201
Traduction Maryse Pelletier