Cet après-midi je conduisais, revenant de Cowansville. Ma fenêtre était ouverte, le soleil me chauffait l’oreille gauche, les collines et les arbres et les champs étaient d’un vert si éblouissant que j’en ai oublié un instant que j’étais sur la route, et que, pendant cette éternité, j’ai eu envie de ne pas mourir.
J’ai monté la colline douce, j’ai tourné pour prendre le chemin qui passe devant ma maison, j’ai roulé sur cette route de cailloux, d’ombres et de courbes, et quelque chose en moi répétait que je n’avais pas envie de mourir.
Mourir? Mais non, mais non.
Moi qui essaie d’apprivoiser la mort à tous les jours, surtout depuis que je sais qu’elle est prochaine – l’âge, vous voyez -, j’ai l’impression que mon travail est inutile. Juste à cause de ce maudit vert presque phosphorescent, de la chaleur sur mon oreille, du vent qui bouge mes couettes grises, je défie la réalité.
Avant, je ne pensais pas à la mort. Maintenant j’y pense volontairement, mais je saisis n’importe quoi pour l’éviter, pour m’échapper de ma condition. Sourire au ciel sans raison autre que la beauté du jour, les cheveux qui frôlent les tempes et l’étrangeté de la route où des voitures viennent en sens inverse … C’est franchement n’importe quoi.
S’échapper de sa condition à cause d’une oreille chaude. C’est n’importe quoi.
N’importe quoi.
Vraiment.