Au moment présent, il n’y a ni douleur ni joie qui dure, il y a peut-être une explosion, la montée d’un moment de conscience. Au moment présent, il n’y a ni tristesse ni mélancolie qui s’installent, ni non plus d’espoir ou de jalousie. Les moments présents passent, fulgurants, puis font place. Font place à une autre émotion, une autre pensée, un autre moment. Présents.
Le moment présent est-il une bombe silencieuse, le tranchant aiguisé d’une lame, un lac profond, un marais puant? Le moment présent est-il un pétale de fleur, un mot mal prononcé, une danse lascive et brève? Est-il un parfum qu’on voudrait oublier, un arbre qui s’écrase de vieillesse, un champignon qui lance ses spores? Est-il un enfant qui meurt, un médecin qui renonce à son âme, la carapace d’un crabe qui s’ouvre, un poulpe qui perd un tentacule? Est-il un tsunami, une mer étale, l’éternité qui prend une respiration?
Est-il rond, oblong, étoilé, cylindrique? Traverse-t-il le temps et l’espace comme nous ne savons pas le faire?
Sitôt qu’on le regarde, il s’enfuit, déjà historique, déjà jeté dans le fourre-tout de ce qui n’existe plus.
Oui, à ce qui est!