Ce matin, j’ai mal à la tête, j’ai le cœur lourd, je suis un peu perdue dans mon univers, mais il y a Maria qui arrive.
Ce matin, il y a la journée internationale des femmes, et la certitude que les femmes, qui constituent la moitié des êtres humains vivant sur cette planète, sont partout moins bien traitées que les hommes même si les hommes sont mal traités aussi dans certaines régions et certaines circonstances, mais il y a Maria qui arrive.
Ce matin, il y a la certitude que les inégalités ont progressé partout, que l’austérité est une solution pour ceux qui ne voient rien à moins de trois mètres d’eux, il y a TransCanada qui fait des relevés sismiques par loin d’une aire protégée avec la permission de notre bon ministère de l’environnement, il y a des audiences publiques pour la construction et l’installation d’un oléoduc qui devra traverser 800 cours d’eau chez nous seulement, et les gens trouvent que c’est sérieux — si le ridicule ne tue pas les gens, il va tuer les cours d’eau —, mais il y a Maria qui arrive en chantant.
Ce matin, il y a Donald Trump, ce clown dangereux et violent, qui conquiert les Américains, il y a l’éducation qui régresse chez nous (ne vous demandez pas pourquoi Trump progresse), il y a notre ministre de la santé qui profite de son pouvoir pour favoriser grandement les médecins et pour chambarder notre réseau de la santé en exigeant l’approbation et le silence autour de lui, il y a l’idée d’indépendance qui stagne, il y a des gens qui ont deux emplois pour pouvoir seulement manger et payer leur loyer, il y a des jeunes qui partent se battre avec l’État islamique pour devenir des héros en Syrie (l’éducation régresse, je vous dis) et violer les femmes sur leur passage, il y a…
Il y a tout cela, devant quoi je me sens impuissante, inutile, devant quoi j’ai envie de hurler à la lune, au soleil, à l’univers. Mais ça ne servirait à rien. Il n’y a personne qui se soucie d’une vieille femme qui hurle dans son coin. Elle a trop de temps, cette femme, elle devrait travailler ou taire et rentrer dans son trou.
Heureusement, il y a Maria qui arrive en chantant, heureuse, légère, qui se réjouit de venir ici, qui nous fait rire, qui ne se préoccupe que du sort de ses deux filles et de sa famille, Maria, heureuse dans son univers dont on pourrait dire qu’il est limité, protégé, à l’abri des nouvelles et des oléoducs et de TransCanada et de Barrette.
Il y a des matins où j’envie Maria. Vous me comprenez ? Bien sûr, je me fais d’elle une image rose. On a tous des problèmes. Mais elle peut régler ses problèmes. Pas moi. Il y en a trop, partout. Trop, partout.
Il y a des matins… comme ces paroles me rejoignent et me touchent profondément ce matin.