C’est pas vraiment que je suis sourde mais que, des fois, je pourrais l’être et que ça donnerait le même résultat! La semaine dernière, par exemple.
Mon amoureux est à table, il jase avec notre voisin, montréalais lui aussi. Les petits oiseaux chantent, les cigales stridulent, le vent pousse un peu les branches vers la maison… Vous avez compris qu’on est au Costa Rica, je vous fais le dessin pour que vous puissiez apprécier la situation vous aussi.
Amoureux : Ouais, mais le “cat five”, il se connecte différemment du “cat six”.
Voisin : Le « cat six », j’ai essayé de l’utiliser mais, faudrait que je passe par mon router avec un splitter RJ45 , et que je reconnecte mon… Je comprends pas que…
– Moi non plus, soit dit en passant!
Amoureux : C’est parce que le « cat five » se connecte comme ça.
– Et là il crochit les doigts d’une manière que j’ai jamais vue.
Voisin : Ah?
Amoureux : … Et le cat six, comme ça.
– Il crochit les doigts d’une manière encore plus compliquée, il n’a pas suffisamment de doigts d’une main et il en ajoute de l’autre.
Voisin : Ouais, mais y en a pas ici, alors qu’est-ce que je fais pour mon tuyau souterrain?
Là-dessus, mon amoureux se lève et va chercher un petit sac marqué Addison – vous voyez, je vous dit tout! – plein, mais archiplein de guidis, duquel il sort, tout fier, un truc qui ressemble à une bibitte verte à grosse tête transparents et à patte unique et tout aussi grosse et transparente. Le voisin ne se peut plus de contentement :
– Wow! T’as trouvé ça ici?
– Ben non!
Vous avez suivi? Vous êtes chanceux. Ou initié. J’ai pensé écrire une pièce (brève, rassurez-vous) avec un dialogue de ce genre pour parler d’incommunicabilité, mais ça s’avère compliqué vu que je ne possède pas le premier mot du lexique de ce nouveau dialecte.
Je me suis levée et suis allée arroser mes tomates. Je veux bien apprendre tout ce qu’il faut pour me débrouiller dans la vie, même un peu plus, mais y a des fois ou ça m’intéresse moins que d’autres. Quand j’aurai la traduction de ce dialogue, je vous en ferai part, promis. Mais ne l’attendez pas avant la saison des pluies, celle pendant laquelle personne n’a besoin d’arroser quoi que ce soit dans son jardin.