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Apprendre

La petite Samanta, qui a maintenant 6 ans, a appris beaucoup depuis que nous la connaissons :
marcher
monter et descendre les escaliers sans se casser le cou
courir partout
être moins timide avec nous
demander ce qu’elle veut manger et ce qu’elle veut faire
exprimer son contentement quand on dit oui
faire fonctionner le iPad
ne pas trop martyriser son chien
choisir ses vêtements
dessiner des coeurs
faire le pain en me regardant
parler, d’abord sans ses RRR et maintenant avec quelques RRR de sorte que je peux la comprendre un peu
dire « por favor » et « gracias » quand elle demande et reçoit
fouiller dans le garde-manger
chanter comme une crécelle pour nous agacer
apporter des fleurs pour nous faire plaisir…

Et nous, qu’avons-nous appris pendant le temps où elle devenait un petite fille prête à aller à l’école?
quelques mots d’espagnol
la laisser fouiller dans le garde-manger
cultiver des orchidées
couper la tôle
utiliser de la noix de coco dans nos transplantations d’arbres et de fleurs
comprendre un peu Samanta quand elle parle
connaître l’humour de Maria, sa mère
attendre pour planter qu’il commence à pleuvoir
que la cruauté humaine n’a pas de limites, quand celui qui la pratique est certain d’avoir raison
que l’idée de Dieu n’est autre que celle qu’on crée à partir de son caractère et son ignorance
que les politiciens nous mentent comme si nous étions des enfants idiots et que, quelquefois, ils sont réélus quand même parce que nous sommes des idiots
qu’on ne peut pas déménager quand on veut comme on veut d’un pays, d’une maison
qu’on peut s’enraciner dans la beauté comme dans la laideur…

Chacun son âge, chacun son apprentissage.
L’enfant ne se demande pas si c’est agréable d’apprendre ; elle/il le fait parce que sa nature curieuse l’y pousse. Je suppose qu’il en est ainsi des tous les enfants qu’on nourrit suffisamment. L’adulte, lui, s’il veut continuer à avancer, doit apprendre, quelque part sur son chemin, à passer à travers l’agréable et le désagréable avec le même intérêt. Cela s’appelle, je crois, l’équanimité.

Ma peur

Il m’aura fallu des années pour ne plus avoir peur des hommes. Peur en général. Respect en particulier. Trop de respect. Trop de mon silence autour d’eux. Peur qu’ils expriment de la colère à mon endroit, qu’ils me jugent, qu’ils me rejettent, me méprisent, me frappent.

Ce n’est pas que j’ai été violentée, non. C’est que ma mère avait peur de mon père et qu’il ne faisait rien, mais rien, pour changer ce sentiment qui s’approfondissait, se solidifiait avec avec le temps. Il était tendu, elle avait besoin de son consentement pour presque tout, de son argent pour tout. Elle se sentait coupable de trop dépenser, il en rajoutait, or elle n’était pas dépensière et nous étions 7 enfants ; il fallait bien manger et nous habiller. Elle n’osait pas donner son opinion, contester ses décisions, or nous sommes tous passés par l’adolescence, cette période où il nous défendait de sortir, faisant de nous, au bout du compte, des êtres ayant des difficultés de communication avec leurs semblables.

Il m’a fallu toute ma vie d’adulte, en fait, pour me débarrasser de ma peur. Ce n’est que maintenant que je peux dire que je considère les hommes comme de vrais êtres de chair et d’os, qui ne se sentent pas nécessairement supérieurs, intouchables, infaillibles, qui ont peur aussi, faim, soif, qui tremblent devant l’inconnu, qui préfèrent quelquefois leur confort à l’aventure, leur femme à la voisine, qui continuent à apprendre, qui nous regardent souvent avec intérêt et attention, et qui sont aussi incertains que nous devant ce que la vie leur présente.

Toute ma vie d’adulte et, je le répète, je n’ai jamais été battue. Quelle difficulté ce doit être alors pour celles qui ont subi des coups ; j’essaie de l’imaginer et j’en suis incapable. Est-ce qu’elles y arrivent vraiment, un jour?

Contraste

Plus ma peau plisse à l’extérieur, plus je me sens lisse à l’intérieur. Je vis un bonheur tranquille, assez constant, sur lequel je peux m’appuyer pour recevoir à peu près tout, y compris les soubresauts désagréables dont la vie nous fait cadeau quelquefois. Ce n’est visible pour personne d’autre que moi. Mais c’est là, bien là, comme la ligne horizontale dans un paysage de montagnes.

De toit, de pluie et de démocratie

La semaine dernière, nous sommes allés, mon amoureux et moi, à une réunion à San Cristobal, le village voisin du nôtre. La réunion était convoquée par le comité de la route d’Alfombra (notre village) qui, pour l’occasion, avait joint ses forces à celui de San Cristobal. – Il est intéressant de savoir qu’ici, au Costa Rica, les gens fonctionnent beaucoup par comités et coopératives. Par exemple, à Alfombra, à part le comité de la route (qui se charge de réparer la route après la saison des pluies), il y a, entre autres, le comité des femmes (qui procure toutes sortes de cours aux femmes du coin) et à San isidro, la ville voisine, il y a une coopérative de producteurs de café. Donc, San Cristobal, réunion de citoyens provenant de 2 villages, pour une discussion au sujet des routes d’Alfombra et de San Cristobal… Je ne vous ai pas perdus?

C’est la saison sèche actuellement, laquelle est normalement très sèche, c-à-d. sans pluie durant trois mois ou plus, mais, depuis quelques jours, nous avons des orages. La météo prévoit même toute une semaine de pluie – et après ça on dira qu’il n’y a pas de changements climatiques! La réunion se passe dans le salon communal, une sorte de grand aréna au plancher de tuiles délimité par un mur de béton qui s’élève presque jusqu’au toit, à quelque 15 mètres. Entre le mur et le toit, il y a un espace fermé par un grillage pour ne pas, sans doute, que trop d’oiseaux ou de lézards participent aux réunions.

La convocation est à 15h00 ; nous arrivons presque les premiers, un peu après l’heure – les costariciens ont une certaine souplesse (hum!) quand il s’agit de la ponctualité. Et nous jasons avec tout le monde que nous connaissons. Finalement, à 15h30, il y une centaines d’adultes et presque autant d’enfants, incluant des nourrissons que leur mère allaite au besoin.

Quand vient le moment où on sent que, tranquillement, les choses s’organisent pour que la réunion commence, la pluie se met à tomber. Un petit orage. On s’assoit en rangs, bien sages, se disant que ça va cesser dans dix minutes. Idem pour les gens qui nous ont réunis et qui, eux, sont déjà à la table devant nous, avec leurs documents. Et on attend. Et on attend. Dix minutes, quinze, vingt…

Soudain, quelqu’un a la bonne idée de brancher un haut-parleur avec un micro et de le tester. Bravo, ça marche! Mais la pluie augmente en intensité. Le petit orage est devenu gros. On l’entend très bien, sur le toit de tôle. On se dit : Ça fait exprès, et on attend. Dix minutes encore, quinze. La pluie ne diminue pas, au contraire. Le président du comité se lève tout de même et se décide nous souhaiter la bienvenue en parlant dans le micro.

La pluie augmente encore. Le gros orage s’est transformé en trombe d’eau. Une vraie rigolade. L’orateur se tait, vaincu. On ne s’entend pas à trois pas, à trois pouces. En plus, il y a de l’eau qui tombe par les fentes du toit, de sorte que, ici et là à l’intérieur de la salle, des gens déplacent leur chaise et les remplacent par des chaudières, dans l’idée que la pluie tombe dans les seaux plutôt que sur leur tête.

Finalement, de guerre lasse, le président du comité commence la réunion malgré le tonnerre ambiant. Il y a des limites à attendre. L’apprenti technicien monte au maximum le volume de l’ampli et le président parle, parle, parle. Ce qui nous arrive comme son est distortionné, étouffé, inaudible et franchement incompréhensible pour nous, les étrangers qui parlons espagnol… mais pas tant que ça.

De temps à autre les gens, nous y compris, se regardent et éclatent de rire, tellement la situation est loufoque. Malgré tout, la majorité des Costariciens a l’air de comprendre ce que l’orateur dit. Ou peut-être le savaient-ils à l’avance ; on se parle, dans les villages.

Au bout d’un moment, les gens autour de nous lèvent la main : ils votent. Vite, pas fous, on lève la main nous aussi ! Ils relèvent la main, nous aussi! Trois fois, on fait comme si on comprenait et on lève la main de concert avec les Costariciens. On se serait cru au parlement fédéral où les députés conservateurs votent les lois sans les avoir lues et sans savoir ce qu’elles impliquent, faisant confiance aveuglément, les ignorants, à Stephen Harper.

Ici, cependant, c’est moins dangereux. D’autant plus que Rigo, le président du comité de la route d’Alfombra, nous explique bien, pendant qu’on boit le café offert à la fin de la réunion, en quoi consistent les 3 projets : il s’agit d’asphalter une partie de la route d’Alfombra (yé!), une partie de celle de San Cristobal (re-yé!), et de construire une petite cuisine en béton sur le terrain de football. Rien pour mettre en danger 80% des cours d’eau ou pour priver de revenus 60% des chômeurs du pays.

Il pleuvait encore à boire debout quand nous sommes sortis du salon communal. Il a fallu sauter pour éviter les flaques, courir jusqu’à la voiture, se faire mouiller en ouvrant la porte, mouiller les sièges, etc. Tout s’était calmé, cependant, quand nous sommes arrivés à la maison. Curieux pays où il pleut quand il faut voter et où il fait soleil après les réunions. On dirait un complot contre la démocratie directe. Mais celui-là n’est rien comparativement à celui de Harper! Il vient des nuages et non pas de l’esprit tordu de politiciens qui gouvernent en niant le temps qu’il fait sur la planète.

Lettre ouverte à Gérard Deltell

Monsieur Deltell,
Vous m’apparaissez être un honnête homme. Votre parcours un peu sinueux est celui d’un homme de conviction, courageux et engagé. C’est pourquoi je m’étonne que vous ayez envie, du moins on le lit, de vous présenter candidat pour le parti conservateur fédéral.

Le gouvernement de ce parti est le pire qu’on ait vu depuis John A. Macdonald.
Sans l’assentiment du Parlement, sans discussion publique et au mépris de la volonté de la majorité des Canadiens, il a
– réduit la taille de l’État
– changé la politique extérieure du pays et affaibli son influence à l’ONU
– affaibli ses lois protectrices de l’environnement pour ouvrir la voie aux pétrolières
– réduit notre diffuseur public au point de l’étouffer
– lié l’aide internationale à l’enseignement et la diffusion de la religion (ce n’est plus de la redistribution de la richesse, mais la charité que la Canada pratique désormais)
– affaibli la recherche fondamentale, entre autres.
Il a aussi
– muselé les scientifiques (c’est un CRÉATIONISTE que Harper a nommé comme son premier ministre de la science : peut-on mépriser la modernité, le siècle des lumières, sa propre histoire?)
– affaibli Élections Canada
– émasculé la loi qui mettait un peu d’ordre dans les pratiques de financement politique
– étouffé les bureaux d’accès à l’information
– en matière de droit criminel, privilégié la punition à la réhabilitation (c’est moyenâgeux comme comportement)
– rempli les prisons à ras bord et fait payer les gouvernements provinciaux
– réduit considérablement l’accès à l’assurance emploi (un scandale, les travailleurs paient pour, tout de même)
– étouffé les organisations citoyennes qui s’expriment contre ses politiques, notamment environnementales… et ainsi de suite.
Et je n’énumère ici que ce qui est le plus susceptible d’être su par quiconque lit les journaux. Allez savoir le reste!

Ce gouvernement est cachottier et paranoïaque, il profère des mensonges,  additionne les promesses fallacieuses (la réduction des subventions aux pétrolières, par exemple) et adopte des lois mammouths au mépris de la démocratie et du parlement. Et rien n’indique qu’il changera de comportement s’il est réélu. Il continuera son travail de sape de nos institutions, il continuera à faire le contraire de ce qu’il a promis et cela, je le répète, contre la volonté de la majorité des canadiens.

M. Deltell, vous méritez votre crédibilité, vous l’avez acquise au cours de vos années comme politicien québécois, n’allez pas dilapider ce précieux capital aux mains de M. Harper, qui s’en servira et vous écrasera au passage. Vous finirez par être obligé, comme la majorité de ses autres députés, de répéter ad nauseam des inepties dictées par les stratèges de son bureau. (rappelez-vous Christian Paradis durant la campagne électorale). Et s’il vous nomme ministre, votre situation risque d’être pire; vous sentirez encore plus que ce n’est pas vous qui décidez, mais lui et sa garde rapprochée, et cela sous votre nez, sans votre accord.

M. Deltell, vous êtes un honnête homme, n’allez pas vous lancer dans cette aventure. Il y a pouvoir et pouvoir, et celui qu’on vous offre chez les conservateurs est celui de démolir ce qui vous a tenu à cœur jusqu’ici, de détruire ce qu’il nous reste de démocratie et de recours citoyen. L’équilibre budgétaire n’est pas tout; il y a aussi la droiture et l’honnêteté, dont vous personnellement êtes capable. Mais ces qualités-là, on les a fourrées depuis longtemps sous le tapis, à Ottawa.

Bien à vous

Maryse Pelletier, citoyenne.

 

Les crampes

Il y a deux nuits, j’ai eu une crampe au pied gauche. La nuit dernière, une au pied droit.

Aujourd’hui, ça a été le tour de la main gauche et, de la façon dont vont les choses, ce sera probablement celui de la droite demain. Suivront les crampes aux mollets, aux cuisses, aux oreilles (!), aux avant-bras, à tout ce qui peut cramper, dans l’ordre ou le désordre.

Il semble donc que le changement, à l’âge que j’ai, ne soit pas que les crampes disparaissent, mais qu’elles choisissent continuellement des membres différents pour se manifester.

Toute une fantaisie!

Bien, mal

Quand je mêle mes jambes à celles de mon amoureux, la nuit, et qu’il se réveille à peine, et que, si je les reprends, mes jambes, il vient les re-chercher sans même s’en rendre compte, j’ai envie de rigoler.

Quand Samanta, 6 ans, vient ici les mardi et les vendredi et qu’elle me saute dans les bras et qu’on se colle, se colle jusqu’à ce que l’envie de s’embrasser et de se dire qu’on s’aime a bien été satisfaite pour un temps, j’ai envie de rigoler tellement je me sens bien.

Mais quand je vois Philippe Couillard déployer son « internationalisme » en anglais à l’étranger, et ici, sa « reconnaissance » envers Ottawa, laquelle va leur permettre à lui et à Ottawa, entre autres infamies, de nous enfoncer des oléoducs dans la gorge, au mépris de la vie, de l’eau, de notre écosystème fragile, du Saint-Laurent qui est notre poumon, notre réservoir, notre corne d’abondance, notre artère principale, notre beauté entre toutes, je rigole moins.

Et quand je vois Harper mener un gouvernement de sape délibérée de nos institutions démocratiques et de notre environnement à coups de fausses promesses, de mensonges, de non-dit, de non-discuté, de non-présenté, de non-débattu, et cela dans le secret, l’arrogance, et, au bout du compte, dans le mépris profond, indécrottable, incommensurable, de la grande majorité des Canadiens qui ne voteraient pas pour lui s’ils savaient tout ce qu’il leur cache, j’ai beaucoup moins envie de rigoler.

Et quand j’entends parler de Boko Haram, vraiment, je n’ai plus envie de rigoler du tout.

Contre Couillard, contre Harper, je n’ai qu’un vote, et ce blogue.

Contre Boko Haram, je n’ai qu’une signature, et ce blogue.

Je suis contente, au fond, de me sentir bien, ça me rend capable de me sentir très mal pour tout ce qui se passe de mensonges, d’abus et de mépris et de violence autour de moi. À cause de tous ces élus qui, finalement, ne servent qu’eux-mêmes et pas nous, servent leur propre futur et pas le nôtre. À cause de tous ceux qui, en définitive, pensent qu’ils savent mieux que moi ce qui est bon pour moi. Et me l’imposent.