Quand j’avais vingt ans, je voulais me libérer du corset qui m’enserrait, m’empêchait de me mouvoir à l’aise, entravait chacun de mes gestes. Maintenant, je danse comme je veux, quand je veux, je cours, je m’étire même dans mon sommeil, sauf que j’aimerais me débarrasser de cette douleur constante que j’ai à la cuisse gauche, et qui réussit de temps à autre à entraver mes mouvements.
Quand j’avais vingt ans, je voulais découvrir tous les fruits et légumes qui existent, apprendre les cuisines de partout sur le globe, goûter toutes les saveurs possibles et impossibles (je ne savais pas qu’on pouvait manger des sauterelles, cependant). Et maintenant, la liste des aliments que je ne peux plus manger est longue d’ici à demain.
Quand j’avais vingt ans, l’avenir m’apparaissait long, j’y voyais confusément quelque chose que je ne savais distinguer, étouffée que j’étais par les difficultés d’adaptation à ma propre vie. Maintenant, l’avenir ne m’intéresse qu’en ce qu’il permet de terminer des projets et le présent est clair, libre et plein.
Quand j’avais vingt ans, je ne connaissais ni mes forces et faiblesses, ni la bonne façon de travailler. Maintenant, je sais ce que je peux faire bien, j’essaie encore de me perfectionner et je ne refuse pas d’apprendre ce qui est nécessaire et utile. Ou même agréable.
À vingt ans, je voulais tout connaître de l’amour. Maintenant je veux seulement aimer le plus possible, le mieux possible, ma propre vie et celle des autres, le monde entier, même si parfois je ne le trouve pas très aimable, ou que je ne me trouve pas très aimable.
À vingt ans, je pensais que je pourrais contrôler ma vie, à présent je sais que je ne contrôle tout juste le mode de cuisson des courgettes, par exemple. Que le destin, les circonstances et les événements nous projettent sur des murs, dans des prisons, sur des vagues, des nuages, des montagnes, avec des gens et dans des rues bizarres, sous des ponts quand la catastrophe passe, nous entourent de clartés et de noirceurs dont la profondeur et l’intensité dépassent tout ce que j’aurais pu imaginer de meilleur et de pire.
À vingt ans, j’avais du mal à dire ce que je pensais, à penser même ce que je pensais, et je voulais réussir à m’exprimer enfin dans ma vie et j’en ai fait un combat qui a duré des années. Maintenant, je trouve que, la plupart du temps, ce que je pense n’a aucune importance. C’est ce que je fais qui compte. Ce que je fais.
Longtemps, j’ai cru que chaque personne, chaque individu, quelque soit son origine, son éducation, ses conditions de vie a, dans sa vie, un instant de clarté bénie où il peut opter pour la conscience et la connaissance de ce qu’il est, de ce qu’il fait, et changer ses habitudes néfastes ou nuisibles. Une seule habitude, même. Maintenant, je n’en suis pas certaine. Je le souhaite, simplement. Je le souhaite à chaque être vivant.
À vingt ans, je voyais la guerre de loin, je croyais que la paix allait survenir puisqu’on la voulait si fort et que le bonheur résidait dans l’éducation et dans le fait de pratiquer un métier qu’on aime et dans lequel on peut réaliser son potentiel. Maintenant, je sais que la guerre est en nous et tout près, à nos portes, que la paix est toujours à renégocier, et que le bonheur est une denrée rare et précieuse qui nous arrive presque sans raison, quelquefois seulement parce qu’on décide d’accepter qu’il est fait de tout et de rien, de respirations et d’acceptations. D’humilité et de conscience.
J’ai changé. La vie m’a changée. J’ai changé grâce à elle.
C’est beau, c’est vrai et en transition vers l’autre. Merci.
Moi, à 20 ans, je voulais à tout prix partir de la maison. J’aime beaucoup tes réflexions sur la vie, et ton rêve de chevaux.
De beaux moments de méditation pour moi. Merci beaucoup.