Author Archives: marypele

Scrabble

 Je viens de jouer au scrabble contre deux adversaires. L’une m’a envoyé NAGEA et l’autre, NOYA.

Décidément, tout le monde est dans l’eau.

J’aurais voulu écrire SÉCHA mais je n’avais qu’EAU, qui, comme on le sait, ne donne presque pas de point. J’espère qu’au prochain coup je pourrai jouer DÉLUGE. C’est très payant, surtout au pluriel.

Là où nous sommes

Des multiples possibilités d’actions ou de gestes qui nous sont offertes à chaque instant, nous en choisissons une ou deux. Et nous avançons — soi-disant, mais ceci est un autre sujet. Puis, éventuellement, il faut accepter que ce soit ce geste-là (et pas un autre) que nous ayons posé, et qu’il s’inscrive dans une chaîne de décisions devenue le tissu de nos vies, la somme de nos actes, le passé. Oui, exactement, le passé. 

Quand on regarde derrière soi, il arrive qu’on se demande comment il se fait qu’on soit là où on est. Et alors, on tombe dans un abîme de questions, une pluie de souvenirs qui s’entrechoquent et qui offrent une mauvaise, partielle ou insuffisante explication à cette question, ou encore plus de questions sur la situation.

Juste un exemple de l’abîme dans lequel ce genre de recherche peut nous projeter.

Ma fratrie, incluant moi-même, nous étions des premiers de classe. Cela signifie que nous étions intelligents, fonctionnels, éveillés. Pourquoi l’un d’entre nous est-il complotiste et croit que la terre est plate? Pourquoi deux d’entre nous sont-ils dépressifs? Pourquoi trois d’entre nous éprouvent-ils un mal-être si profond et tenace qu’ils sont devenus des créateurs — je pense qu’il faut ressentir un mal-être profond pour devenir créateur - ? 

Ma sœur me demandait dernièrement : pourquoi nous ne sommes pas allés plus loin? Elle voulait dire, sans doute : pourquoi notre intelligence ne nous a-t-elle pas amenés plus loin dans la vie — plus loin signifiant « à des postes plus importants, mieux payés », entre autres.

Je ne sais pas. Il n’y a pas de réponse à cette question qui vise à se jauger face à une image sociale de la réussite. Ou à exprimer une insatisfaction profonde devant le fil de nos vies. Ou à vouloir savoir, une fois pour toutes – comme si c’était possible – pourquoi on a échoué à être heureux, ou bien, ou pas trop mal.

Plutôt si, je sais un peu.

Il y a des images sociales puissantes (réussite, bonheur, etc.) qui influencent la vision que nous avons de nos vies, il y a surtout que nos émotions grugent, affaiblissent notre capacité à comprendre la complexité de ce qui nous arrive et la façon dont on y réagit. Pour évaluer avec justesse et profondeur la chaîne des événements que crée nos décisions, il faut beaucoup plus que l’intelligence et la mémoire qui servent à devenir premiers de classe.

Ceci est une réflexion trop brève, trop schématique, trop « émotive » pour être satisfaisante, mais, franchement, ces années-ci, j’ai plus de goût pour l’acceptation que pour les explications. 

C’est là que j’en suis.

 

Le sens du contrôle

 

Je reconnais tout de go que j’aime exercer un certain contrôle sur mon environnement, particulièrement sur ce que je n’aime pas dans cet environnement. Mais mon besoin de contrôle se bute à des obstacles étranges, que j’ai dû observer pour arriver à les contourner. Mon exemple parfait : la présence des scarabées japonais sur la propriété.

Quand il fait soleil, les scarabées japonais, qui pullulent dans la région, se posent par centaines (en fait, par dizaines) sur les feuilles de mes vignes et les mangent jusqu’à n’en laisser que les veines. Une dentelle chiche. J’ai beau les cueillir, leur nombre me dépasse, me décourage, me frustre. Il en reste toujours, toujours, toujours.

Mais, quand il fait gris, ils sont moins nombreux alors j’ai l’impression que je les pousse tous, ou presque, dans mon eau savonneuse pour qu’ils y gigotent et meurent. Ces jours-là, j’ai l’impression d’avoir fait un vrai ménage, d’avoir sauvé au moins quelques jeunes feuilles de vigne que je pourrai cueillir pour les farcir éventuellement.

Bien sûr, la satisfaction qu’éprouve mon besoin de contrôle ces jours-là est tempérée par le fait que je sais que je fais tout ça inutilement. Mais, bon, on se console comme on peut dans des guerres perdues d’avance.

Y a un trou de soleil sur la montagne en face

« Y a un trou de soleil sur la montagne en face »

J’ai écrit ce vers-là il y a près de trente ans

Et je ne sais pourquoi il est resté tout seul

Sur le haut de sa page attendant une suite

Qui n’est jamais venue et qui ne viendra pas

 

Le soleil déménage le trou donc se déplace

Je le surveille au loin jusqu’à ce qu’il disparaisse

Laissant noire la montagne et bleu le paysage

Et moi insatisfaite d’un poème si bref

Que je dois l’éplucher pour savoir s’il existe

 

N’empêche je regarde tout là-bas sur ma droite

Et je vois le soleil qui s’est bien installé

Sur une pente douce quelques arbres poreux

Et qui fait comme un creux condensé de lumière

Un vrai trou de clarté sur la montagne en face

 

Y a un trou de soleil sur la montagne en face 

Y a un trou de soleil sur la montagne en face

 Y a un trou de soleil sur la montagne en face

Dissolution

Avant, j’avais tendance à penser que, à aimer penser que toutes les prières des orants, qu’elles viennent de ceux qui pratiquent quelque religion que ce soit, ou pas de religion du tout, ainsi que tous les gestes de pardon, d’amour, de générosité rejoignaient un courant invisible qui se déployait autour de la terre pour former une sorte de couche protectrice, de laquelle ne pouvait naître que du bien, ou du bien-être, pour plus d’êtres vivants – humains, animaux ou dragons de pierre. Et que, à la longue, tous les courants positifs et clairs finissaient par gagner du terrain sur les courants sombres et lourds, ceux qui transportent la haine, la violence.

 

Aujourd’hui je n’y crois plus. Il me semble que la générosité et l’amour sont fulgurants et se consument sitôt exprimés. Et je ne sais pas comment cette énergie est absorbée, ni par qui ou quoi, si elle l’est. Peut-être qu’elle crée seulement de la lumière. Oh, une toute petite lumière. 

 

Avec le temps, on se rend responsable de ses gestes d’amour et on les pose par choix, même dans un vide intersidéral.

Les êtres qui nous manquent

Les êtres qui nous manquent

Comment fait-on pour les retrouver

En rêve

Viennent-ils se joindre à nous

En rêve

Vivre avec nous

En rêve

Nous retrouver

En rêve

Les êtres qui nous manquent

 

Les êtres qui nous manquent

Est-ce qu’on leur pardonne

D’être partis

Nous pardonnent-ils

De s’être enfuis

Ailleurs avec d’autres

Les êtres qui nous manquent

 

 

Les êtres qui nous manquent

Est-ce qu’on les rejoint

Quand on quitte ce monde

Est-ce qu’on vit avec eux

En communion d’amour

Quand on devient esprit

Nous attendent-ils ailleurs

Dans une autre galaxie

Heureuse

Les êtres qui nous manquent

 

Sont-ils nos frères nos sœurs

Éternels

Nos pères nos mères nos amants

Éternels

Nos époux nos enfants

Éternels

Les êtres qui nous manquent

Ces êtres qui nous manquent

 

 

Mai 2023

 

 

 

Temps doux

Le temps s’étale, mort

Il ne respire plus

ne bouge plus

n’entreprend plus rien

s’allonge

déprimé

défait

démoli

 

Mon temps perdu

tombé dans les interstices

égaré au fond de ma tête

de mes envies

 

ne plus se soulever

ne plus marcher

rester là

inquiète

sans souffle

sans envie

défaite

troublée

empruntée

perdue

 

Il a encore neigé

c’est trop

il faut rester là

attendre que ça fonde

attendre que le temps change

qu’il se relève

qu’il bouge

qu’il sursaute

et tressaille

refait

rajeuni

régénéré

 

Attendre

et pendant ce temps là

il passe

tout doux

tout doux

 

 

Les fenêtres de la terre

Les fenêtres de la terre

S’ouvrent sur les niveaux

D’espace et de temps.

Des êtres inimaginables et mémorables naissent,

des événements se déploient

en couleurs kaléidoscopiques,

en formes qui font frémir l’intellect

et apaisent sa symphonie cacophonique

au rythme inégal et rugissant.

 

Laissez les rideaux ouverts.

Ne vous cachez de rien.

Monica Hathaway, trad. Maryse Pelletier

Pas de zéro ego

Le seul obstacle est la pensée de l’obstacle

C’est le concept de la pensée qui est l’obstruction.

 

Si on met un objet en pensée

On a deux objets, semble t-il

Moi, et la pensée de ce moi.

 

On continue à s’installer sur soi et on ne voit jamais

Que ce qui s’installe et celui qui installe ne sont pas deux objets séparés.

Monica Hathaway, trad. Maryse Pelletier

Fredonner dans le vent

Tu ne saisis pas?

Tu ne peux pas comprendre.

 

Tu ne peux pas avoir l’amour,

Ni la félicité,

Ni l’illumination,

Ni l’espace.

 

Tu es cela.

 

Tu ne saisis pas?

Tu ne peux pas comprendre.

 

Le JE qui veut

La révérence, la flèche et l’œil de bœuf

Sont un même esprit.

 

Monica Hathaway, trad. Maryse Pelletier