Des multiples possibilités d’actions ou de gestes qui nous sont offertes à chaque instant, nous en choisissons une ou deux. Et nous avançons — soi-disant, mais ceci est un autre sujet. Puis, éventuellement, il faut accepter que ce soit ce geste-là (et pas un autre) que nous ayons posé, et qu’il s’inscrive dans une chaîne de décisions devenue le tissu de nos vies, la somme de nos actes, le passé. Oui, exactement, le passé.
Quand on regarde derrière soi, il arrive qu’on se demande comment il se fait qu’on soit là où on est. Et alors, on tombe dans un abîme de questions, une pluie de souvenirs qui s’entrechoquent et qui offrent une mauvaise, partielle ou insuffisante explication à cette question, ou encore plus de questions sur la situation.
Juste un exemple de l’abîme dans lequel ce genre de recherche peut nous projeter.
Ma fratrie, incluant moi-même, nous étions des premiers de classe. Cela signifie que nous étions intelligents, fonctionnels, éveillés. Pourquoi l’un d’entre nous est-il complotiste et croit que la terre est plate? Pourquoi deux d’entre nous sont-ils dépressifs? Pourquoi trois d’entre nous éprouvent-ils un mal-être si profond et tenace qu’ils sont devenus des créateurs — je pense qu’il faut ressentir un mal-être profond pour devenir créateur - ?
Ma sœur me demandait dernièrement : pourquoi nous ne sommes pas allés plus loin? Elle voulait dire, sans doute : pourquoi notre intelligence ne nous a-t-elle pas amenés plus loin dans la vie — plus loin signifiant « à des postes plus importants, mieux payés », entre autres.
Je ne sais pas. Il n’y a pas de réponse à cette question qui vise à se jauger face à une image sociale de la réussite. Ou à exprimer une insatisfaction profonde devant le fil de nos vies. Ou à vouloir savoir, une fois pour toutes – comme si c’était possible – pourquoi on a échoué à être heureux, ou bien, ou pas trop mal.
Plutôt si, je sais un peu.
Il y a des images sociales puissantes (réussite, bonheur, etc.) qui influencent la vision que nous avons de nos vies, il y a surtout que nos émotions grugent, affaiblissent notre capacité à comprendre la complexité de ce qui nous arrive et la façon dont on y réagit. Pour évaluer avec justesse et profondeur la chaîne des événements que crée nos décisions, il faut beaucoup plus que l’intelligence et la mémoire qui servent à devenir premiers de classe.
Ceci est une réflexion trop brève, trop schématique, trop « émotive » pour être satisfaisante, mais, franchement, ces années-ci, j’ai plus de goût pour l’acceptation que pour les explications.
C’est là que j’en suis.