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La prière

On a coutume de penser que la prière est une belle et bonne action, qu’elle nous met en contact avec le Sacré, l’Intemporel, l’Ineffable, l’Éternel. On oublie que, pour prier, il faut se mettre à genoux. C’est-à-dire qu’il faut reconnaître l’existence d’une puissance grossièrement et infiniment plus grande que la nôtre, laquelle aurait, sur nos vies, une influence tout aussi grossière et immense. En fait, pour prier, il faut s’écraser mentalement et émotionnellement, quand ce n’est pas physiquement. Pour prier, il faut être prêt à négocier, à implorer, à supplier et à se donner en pâture, coupés en petits morceaux, pour obtenir ce qu’on veut.

S’il y a des puissances qui ont de l’influence sur nos vies, elles sont soit naturelles – et, dans ce cas, on conviendra qu’il ne sert à rien de demander, même à genoux, à un orage de s’adoucir –, soit spirituelles -, et, dans ce cas, leur nature n’est sans doute pas ce qu’on en pense. Par exemple, c’est idiot de prêter à des « puissances spirituelles » le jugement que nous, humains, portons sur les choses et les événements, et de leur attribuer des désirs aussi insignifiants que les nôtres. D’ailleurs, déjà, imaginer que ces « puissances » ont des désirs est une incongruité. Il n’y a que nous, les humains, qui, poussés par des désirs incessants, générons la haine, les désastres, les remèdes, la jalousie et l’amour autour de nos. C’est notre spécificité, en somme. La colère et la beauté. La guerre et la paix. La justice et la dictature. La turpitude et la générosité.

Quand on ne prie pas, on reste responsables de soi-même et de sa vie, conscients des mystères qui nous entourent, conscients de la peur qu’on ressent devant ces mystères, mais résolus à y faire face debout. 

Debout.

 

 

 

Les souhaits

Les souhaits

Il y a ceux qu’on fait à l’occasion des anniversaires, du Premier de l’An, de Noël, et qui n’ont pas beaucoup de poids, tellement ils sont mécaniques. Et il y a les autres, tous les autres, de toute nature – je veux que ce gars me regarde, je veux vendre mon tableau, je veux voir du rose au ciel, je veux voir la Chine, je veux que la rivière gèle demain, que cette fille attrape des boutons, qu’elle dévale la colline , etc – qui cherchent, mettant un pied lourd et maladroit, à s’installer ferme dans le futur et à le dessiner par avance. Inutile tentative dont le temps et les événements se moquent en riant haut et fort, répercutant le son de ce rire sur les parois rocheuses de notre esprit insatisfait.

 

 

Pour rappel

En ces temps troublés où les valeurs personnelles et sociales auxquelles on adhère et qu’on s’évertuait à renforcer depuis des années volent en éclat devant nos yeux, il est bon de se rappeler quelques vérités. Pour ne pas sombrer. Sombrer, comme des bateaux dont le gouvernail est cassé, et qui essaient de rester à flot durant un orage violent. Sombrer, comme enterrés sous des montagnes de détritus puants. Sombrer, dans les tréfonds de nos découragements, là où on ne sait plus nager tellement on est épuisés et essoufflés. Sombrer, dans toute sa détresse et sa splendeur.

Donc, pour rappel, ces quelques vérités :

L’amitié existe encore.

La vérité, bien qu’elle soit relative aux divers points de vue à partir desquels on la regarde, existe encore.

Le sens de la justice, qui n’est pas une notion nouvelle, il s’en faut de beaucoup, existe encore.

Le partage et l’aide bien qu’ils soient souvent colorés par de drôles d’intentions – pas toujours évidemment – existent encore.

La générosité, la gratuité aussi. On les remarque plus, dans le contexte.

La confiance (aussi totale que celle des chiens qui n’ont pas été battus), même si elle est mise à mal par les relations de pouvoir qui se sont terriblement dégradées ces dernières années, existe encore.

L’honnêteté, la droiture, le respect de la parole donnée, qui sont les bases de relations saines et durables, existent encore.

La paix, même passagère – vaut mieux cela que rien -, est possible.

La bonne foi n’a pas disparu de nos échanges.

Le civisme ne s’est pas totalement évanoui, même si on en voit peu sur les réseaux sociaux.

L’eau est de moins en moins polluée, dans nos pays, du moins il le semble.

Le RoundUp s’utilise de moins en moins. Les ventes risquent de monter en flèches les prochaines années, mais bon, toute réjouissance, même temporaire, est bonne à savourer.

La grandeur – ou ce qu’on appelait par ce nom-là – a disparu de nos histoires contemporaines. Le terme sera repris, certainement, d’ici quelques années, les dictateurs l’aiment, mais on pourra en rire.

Et puis, à ne pas oublier, l’amour. Il existe encore. Ou bref, ou sympathique, ou de longue durée, ou rose ou rouge ou gris, il existe encore. C’est, comme on dit à la Bourse, une valeur refuge.