2 octobre 2024
Catrina va mourir demain. Catrina ma voisine, une bombe d’énergie, de précision, a désormais un corps bourré de métastases cancéreuses, qui se sont accrochées aux organes vitaux d’abord, qui se sont rendues jusqu’à son crâne où lui ont poussé des bosses, dont une de la grosseur d’une lime. Sa mort est inévitable, elle ne veut pas être prolongée indûment, elle a décidé de recevoir l’aide à mourir, elle s’épargne des souffrances, elle reste chez elle, elle sera entourée de tous les siens, par une belle journée d’automne ensoleillée, sur le bord du ruisseau, à l’ombre des érables que Patrice a plantés.
Sa peau est désormais fine comme du papier de soie à cause de la chimio, elle a perdu du poids mais elle est toujours aussi jolie. On dirait que son crâne a rapetissé, ses mains ne pèsent plus rien, elle a froid aux pieds, mais elle est souriante la plupart du temps, et elle fait des phrases complètes malgré sa fatigue, et elle a une liste de choses à faire – l’administration, les assurances, les mots de passe dans l’ordinateur, etc. – et elle fait ces choses, ses appels aux amis par exemple, les unes après les autres.
Voilà. Elle meurt demain en début d’après-midi.
Elle est très entourée, de tout un monde qui l’aime, qui est abasourdi – mais pas prostré – devant l’horreur de cette vérité : Catrina va mourir demain. La maison tourne désormais autour d’elle, Patrice son compagnon, leurs enfants, sa sœur, son frère, ils se relaient pour lui donner tout ce dont elle a besoin, pour aller pleurer chacun dans son coin parce que c’est trop horrible, mais tout ce monde-là jase, elle la première, et raconte ce qui va se passer, ce qui doit être fait, quelle forme ont les cancers, les ganglions, les sentinelles, et que ses résultats sont triple négatif, et il y a des messages, et il y a des fleurs, et elle dit merci en souriant, et elle est lucide mais fatiguée, fatiguée mais lucide.
Elle a choisi de ne pas se rendre jusqu’à l’extrême fin de ses forces, où elle aurait été exsangue sur un lit d’hôpital. Déjà elle ne marche plus toute seule, c’est Patrice qui la prend dans ses bras pour monter ou descendre l’escalier, pour aller à la toilette. C’est lui qui, demain, la portera dans ses bras vers le ruisseau qu’elle aime, qui chante, qui coule.
Demain je n’ai rien au programme, sauf la mort de Catrina.