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Paris, 10 septembre 1973

Je suis en hostie.

Il est 11 h. Je suis dans ma chambre à essayer de tuer le temps et je suis dans une colère noire. J’ai peur. J’ai eu peur de m’asseoir à la terrasse de mon café habituel. Peur, entendez-vous? Peur. J’en ai plein le dos. Une sainte colère. La panique m’a prise il y a une heure quand j’ai vu ces 2 individus, ces 3 individus plutôt, tournoyer autour de moi, me regarder, s’asseoir, m’attendre, me surveiller. Hostie, une fille peut pas s’installer sur un coin de banquette sans être considérée comme une marchandise? – Je la prendrais, celle-là. La pauvre, pas d’homme. Elle doit en chercher un, ça doit lui manquer. Pauvre petit con sec, ça manque de pénis bandé, c’t’affaire-là. Ça manque. Ça doit en chercher.

Et ils sont là, peinés pour vous, vous offrant à dîner, comptant bien que c’est une faveur qu’ils vous font de vous avoir remarquée et que, n’est-ce-pas, vous êtes tombée sur un gentilhomme à qui vous devez bien, par déférence, en guise de reconnaissance éternelle, accorder vos faveurs, accorder votre trou pour qu’ils y jouissent parce que c’est normal et qu’ils ont eu le grand mérite de vous tirer de votre anonymat de fille seule.

Et moi, je suis là, avec mes 20 et quelques années, dans 10 ans je serai une vieille femme, une vieille peau, et je me paierai des jeunes si j’ai suffisamment d’argent.

Le pouvoir. Je veux avoir pouvoir et argent. Sans ça, le cirque n’aura pas de fin. Ce cirque ignoble où les femmes sont la marchandise, le repos du guerrier, la récompense, la chose, le trésor, l’éléments final du tableau de leur chasse.

De l’origine des fleurs

 

Dans l’univers immensément vaste où nous vivons, dont nous cherchons sans relâche à découvrir les contours, l’histoire et la finalité, il y a nous, seules créatures qui, à cause de l’évolution des formes de vie pendant des millions d’années probablement, sommes parvenus à penser, à conscientiser, à réfléchir ; nous sommes et restons à ce jour les seuls êtres qui soient dotés de la capacité de se regarder et de regarder autour de nous pour tenter de comprendre notre fonctionnement et celui de notre planète.

Et voilà que nous, minuscules fourmis dans cette immensité inondable de temps et d’espace, creusons notre sol, ouvrons nos roches, analysons nos fossiles et scrutons l’histoire de notre terre – grâce aux signes qu’elle nous a laissés -, pour trouver l’origine de créatures dont l’éblouissante beauté ne cesse de jaillir et de nous émerveiller, dans les conditions les plus diversement propices, sur tous les continents, sous presque tous les climats : les fleurs.

Nous, petits assemblages d’atomes perdus dans l’immensité, nous penchons sur l’origine des fleurs, dont l’histoire plonge droit au creux impénétrable de notre propre histoire. Yeux ouverts, microscopes, analyses de fossiles, nous cherchons à savoir de quelle façon ce miracle fascinant et coloré peut avoir pris naissance,  prospéré et envahi notre monde.

Ainsi, notre intelligence à nous, humains, notre capacité d’analyse, notre curiosité, notre soif de connaître se penchent vers ce qui semble la plus éphémère et futile expression de vie sur terre. L’infiniment petit qui se penche sur l’encore plus infiniment petit, le microscopique qui fouille l’encore plus microscopique. À cause de la joie, peut-être.

Il faut ajouter ce miracle-là aux autres, quand on compte ses bénédictions.