Monthly Archives: octobre 2015

Instabilité

Ici et là, il y a ce magnifique espace dans lequel on peut jouer. Le prendre comme partenaire de danse est sans égale. On est certains que l’espace nous recevra sans émettre d’objection, ou si peu. Après tout, c’est notre monde, amical et invitant. Parfois on devient instables et méfiants, et on essaie de contrôler l’impermanence, se montrant délibérément indignes de confiance et se demandant, par la suite, pourquoi on ne peut jamais avoir foi en rien. La vérité de l’impermanence est suffisante, sans qu’on l’apesantisse. Il y a une différence entre la drôlerie et le ridicule.

Monica Hathaway, 14 avril 1996
traduction Maryse Pelletier

Ma sérénité fout le camp

Aujourd’hui, une semaine avant les élections, je suis troublée, je me rends compte que le seul nom de Harper me fait lever les cheveux sur la tête, que j’ai le coeur qui tombe dans la poitrine et des envies de déménager au bout du monde sitôt que je pense qu’il pourrait être réélu. Décourageant. Moi qui voulais atteindre une certaine sagesse dans ma vie, un certain détachement, voilà qu’un manipulateur, un menteur, un tricheur ébranle à sa base ma toute naissante sérénité.

Je reste des heures sur FB à partager fiévreusement tout ce qui pourrait nuire à la campagne conservatrice, tout ce qui pourrait réveiller les gens de la région de Québec et les inciter à ne pas votre conservateur, tout ce qui pourrait aider un de mes amis à se faire une idée, ou à voter stratégiquement pour défaire Harper, je reste assise plusieurs heures par jour à lire les sondages, les commentaires de sondage, les commentaires des commentaires de sondage, tous les Chantal Hébert et les Vincent Marissal de ce monde qui analysent, supputent, décortiquent… J’en deviens gaga.

Et j’ai cette peur/haine/dégout qui ne me lâche pas quand je pense à ce que Harper a fait et défait, à la façon dont il traite ses députés, ses électeurs, la démocratie, Radio-Canada et le parlement, à quel point il sert les pétrolières contre les citoyens alors que sa fonction est de faire le contraire, exactement le contraire. Je vous jure, j’en suis révoltée, survoltée, abasourdie.

Il y a un os dans le potage quand une personne comme celle-là, malgré ses mensonges éhontés, ses fourberies, ses tromperies, ses manoeuvres tortueuses et illégales, peut exercer un pouvoir quasi total sur un pays, seulement dépassé par celui de la Cour suprême. Un os de dinosaure. Notre démocratie parlementaire repose trop sur la bonne volonté des uns et des autres, et notre système électoral, s’il peut être déjoué par des tactiques déloyales d’une ampleur telle que la vie même du pays est transformée, que les pauvres sont plus pauvres et les riches plus riches, que les religions peuvent choisir les réfugiés que nous acceptons, que nos rivières, nos mers et nos vies sont polluées – même si certains d’entre nous ne s’en rendent pas compte-, ce système électoral, cette façon d’exercer le pouvoir sont totalement dépassés. Vivement la proportionnelle, ou une élection à 2 tours. Ainsi, ceux qui nous « dirigent » – alors qu’ils devraient nous servir-, quand ils nous mentiront en pleine gueule, auront au moins la légitimité pour le faire.

Je pense

J’ai vu une ombre, je pense
Je l’ai vue disparaître, je pense
J’ai vu une montagne, je pense
J’ai vu une vallée, je pense
J’ai vu une lune, je pense
J’ai vu un soleil, je pense
J’ai vu une rivière, un ruisseau, un océan et un bateau voguant de ce rivage à cet autre rivage, je pense
J’ai vu deux amoureux soufflant des baisers dans l’espace, je pense
Le vent s’est levé, les pluies sont venues, le feu a surgi des montagnes et les océans ont débordé et, ensemble, ils ont dévoré toutes les mémoires du passé, du présent et de l’avenir. Le spectacle des origines surnaturelles est le plus grand de tous.
Je suis venue, j’ai vu, j’ai conquis.

Monica Hathaway
traduit par Maryse Pelletier

Vitesse

Dedans et dehors, en haut et en bas, derrière et devant, tournant, venant de nulle part et y retournant à toute vitesse, voilà l’esprit.

Monica Hathaway
traduction de Maryse Pelletier

Poème triangulaire

Trois gros lapins
sur une planche
panse rougie
oreilles blanches

Trois camélias
rouge écrasé
recroquevillés
par le frimas

Trois petits sauts
dans l’inconnu
dans l’absolu
cahin caha

Trois petits pas
vers l’au-delà
je lève le doigt
et m‘y voilà

Presque rien

Or il advint que,
après avoir connu
un homme qui la battait
un autre qui l’humiliait
puis un autre radin, égoïste,
infidèle, profiteur, menteur, fuyant, voleur,
elle en rencontra un
simple, tranquille, gentil,
qui l’aimait, simplement.
Ainsi, après avoir été
battue, humiliée, blessée, trompée,
dépouillée, volée, triturée,
malaxée, pliée et repliée,
défaite, décousue, désemparée,
confuse, embrouillée, désordonnée, entortillée
déconfite, foudroyée, écrasée
elle connut la confiance, la sérénité, la tranquillité,
l’assurance, la sérénité, la joie,
ce presque rien du tout qui s’appelle le bonheur
et put mourir heureuse
oubliée, perdue, sereine.

Il pleut bergère

Il pleut il pleut bergère
Mets donc ton capuchon
Il pleut bergère
Sèche tes lamas blonds
Il pleut il pleut il pleut
Tu n’as plus de moutons
Tes champs font le dos rond
Tes pieds sont embourbés
Et ton avenir fond

Il pleut il pleut bergère
Reste dans ta maison
Il y a trop d’eau dehors
Les rues font des rebonds
Les sources, des crevaisons
Tu n’as plus ni moissons
Ni blé ni lamas blonds
Ils ont dégringolé
Dans des vides profonds

Tu pleures tu pleures bergère
Tes larmes sont de plomb
Le ciel s’est écrasé
Sur ta tête sous tes pieds
Il ira s’engouffrer
En traînantes goulées
Dans des canaux obscurs
Dans des mers insondables
Dans un temps qui se rompt